Karolina Wotlińska-Pełka: M. Bonnefond, quels sont les services les plus populaires dans les pharmacies françaises?
Gilles Bonnefond: Nous avons une pandémie, donc les missions les plus importantes sont la vaccination et le dépistage. Ce sont des activités très spécifiques. Nous vaccinons contre la grippe, contre le COVID-19 et nous faisons des tests antigéniques. En outre, dans le cadre du TROD, nous effectuons des tests pour différencier les infections de la gorge, pour voir si elles sont bactériennes ou virales. Sur cette base, nous pouvons orienter les patients en fonction du résultat.
(Selon le règlement du 01.08.2016, les pharmaciens en France peuvent réaliser trois tests de dépistage qui ne constituent pas des examens de biologie médicale, à savoir le test d’orientation diagnostique du streptocoque dit TROD, différenciant l’agent pathogène à l’origine des infections de la gorge, les tests de dépistage de la grippe et les tests de dépistage du diabète dans le cadre de leurs campagnes – note de l’auteur).
Karolina Wotlińska-Pełka: Nous savons que la vaccination en pharmacie est une activité très réussie. Qu’est-ce qui explique le succès de la vaccination dans Vos pharmacies?
Gilles Bonnefond: L’objectif initial était d’améliorer la couverture vaccinale de la population. Lorsque l’accès aux vaccinations est assuré par les pharmaciens, c’est beaucoup plus facile. Nous choisissons de nous rendre chez le médecin lorsque nous sommes malades. Lorsqu’il s’agit de prévention, les patients choisissent la visite en pharmacie, plus pratique. Pour programmer une vaccination, il faut être en bonne santé, il est donc inutile de prendre rendez-vous chez le médecin. Par conséquent, les vaccinations dans les pharmacies facilement accessibles sont très populaires. Ce formulaire ne nécessite pas de longs délais d’attente npour un rendez-vous médical. Le pharmacien est simplement disponible. Ce service est également populaire auprès des pharmaciens, car ils sont payés à chaque fois qu’ils vaccinent.
Karolina Wotlińska-Pełka: Je comprends, donc ce sont des services saisonniers. Qu’en est-il des autres activités ? Offrez-Vous des services de soins de longue durée?
Gilles Bonnefond: Oui, nous nous engageons dans ce qui prend plus de temps mais qui est très important dans la stratégie pour l’avenir et nous soutenons les patients atteints de maladies chroniques avec des entretiens. Lorsqu’un patient diabétique, hypertendu ou atteint d’un cancer nous rend visite, il est important d’échanger avec lui de son traitement pour ameliorer l’adhesion au traitement et l’observance. Nous devons savoir si le patient comprend le fonctionnement des médicaments prescrits, s’il les prend régulièrement et correctement. Si le patient n’a pas de problèmes de drogue et utilise bien les médicaments, si des effets secondaires problématiques n’apparaissent pas. Cela signifie que nous soutenons l’adhésion à un traitement correct. Par conséquent, le pharmacien n’est pas seulement quelqu’un qui va délivrer le médicament, mais qui va aussi s’assurer que la thérapie est parfaitement adaptée et parfaitement appliquée. Nous devenons l’interlocuteur privilégié du patient et sommes responsables, de manière efficace, de la poursuite du traitement. Ces entretiens en pharmacie sont financés. Nous l’avons fait dans le cas des anticoagulants et cela a très bien fonctionné. Nous constatons des problèmes d’utilisation en fonction des valeurs diagnostiques. Ce n’est pas toujours correct. (Par exemple, dans le cas de la warfarine et du dosage en fonction de l’INR – note de l’auteur).
Nous réalisons également un tel service pour l’asthme, car l’asthme en France est insuffisamment contrôlé. Nous savons que jusqu’à 20 % de nos patients ne prennent pas correctement leurs médicaments. Ils ne les prennent que lorsque leurs symptômes sont exacerbés, mais ils ne les prennent pas en permanence.
Karolina Wotlińska-Pełka: Vous jouez donc un rôle éducatif.
Gilles Bonnefond: Oui, nous avons un vrai problème d’éducation ici. Pour que le traitement soit efficace, le patient doit connaître l’importance d’une prise régulière de médicaments.
Nous soutenons également de cette manière toutes les personnes âgées qui prennent plusieurs substances, ce qui peut être dû à plusieurs maladies dont elles souffrent. C’est un service appelé bilan de médication que nous faisons avec le patient. Au cours de la conversation, nous évaluons les médicaments qu’il prend, la quantité qu’il prend, s’il le fait régulièrement et nous évaluons les interactions potentielles. Le bilan nous permet de vérifier si le patient prend plusieurs médicaments avec la même substance, notamment lorsqu’il consulte plusieurs médecins. Nous faisons attention au dosage et à l’âge du patient. Par exemple, si nous avons 80 ans, nos reins ou notre foie métabolisent les médicaments différemment. Nous évaluons si les médicaments, aux doses utilisées, ne représentent pas une charge pour le patient, s’il n’y a pas d’interactions avec des médicaments multiples, nous vérifions la régularité de l’utilisation et faisons un inventaire. Nous indiquons si cela vaut la peine de changer quelque chose, de retirer temporairement certains médicaments et ce qui fonctionnerait le mieux et nous présentons une telle étude au médecin. Le médecin a toujours l’avis décisif et c’est lui qui prend la décision sur la base de notre avis pharmaceutique.
Karolina Wotlińska-Pełka: Les médias parlent du service en oncologie. Vous disposez déjà d’un tel service de pharmacie, va-t-il être étendu maintenant?
Gilles Bonnefond: Oui, nous allons guider les patients en oncologie qui utilisent des médicaments par voie orale de manière plus large. Nous soutiendrons ces patients non seulement pour les problèmes de drogue, mais aussi pour toutes les conséquences qui découlent du cancer. Donc, tout d’abord, les difficultés liées à la drogue, mais aussi les problèmes organisationnels et familiaux liés au traitement. Dans ce domaine, nous réaliserons des entretiens, effectuerons des tests de dépistage, participerons à la prévention et soutiendrons le patient à domicile. Ces activités seront également financées.
Karolina Wotlińska-Pełka: Si l’on observe le changement qui s’est opéré dans les pharmacies en France, on constate qu’il est très bénéfique pour les patients. Toutefois, ce processus a nécessité une décennie. Pourquoi cela a-t-il été si long?
Gilles Bonnefond: Cela a pris tellement de temps parce que nous avions besoin d’une fondation à construire. La loi qui définit le rôle du pharmacien est en vigueur depuis 2010. Oui, cela fait 11 ans, mais cela nous a permis d’écrire dans le code de la santé publique quelles sont les missions du pharmacien. Nous disons que le pharmacien peut faire du dépistage, s’occuper de la prévention et soutenir le patient à de nombreuses étapes. Nous avons créé le statut de pharmacien correspondant désigné par le patient et qui intervient en accord avec le médecin pour ajuster les doses de certains médicaments et renouveller les traitements selon les protocoles approuvés.
Il était donc fondamental d’inscrire dans la loi le rôle positif du pharmacien. Dès lors, notre position n’a plus été remise en question et lorsque celle-ci a été construite avec succès, de nouvelles tâches sont apparues petit à petit. En répondant aux besoins sociaux, nous avons montré ce que nous pouvions offrir, ce qui s’est concrétisé par des textes et des décrets juridiques ultérieurs.
Karolina Wotlińska-Pełka: Comment s’est passée Votre journée à la pharmacie aujourd’hui?
Gilles Bonnefond: Aujourd’hui, nous avons effectué près de 70 vaccinations contre le COVID-19 et 50 dépistages. Le reste du temps, nous faisions les choses habituelles, conseiller des médicaments, délivrer des ordonnances et….. (M. Bonnefond rit) nous avons accueilli les touristes, car malgré la pandémie, nous avons beaucoup de touristes. Dans cette periode exceptionelle près de la moitié de notre activité consiste à dépister et à vacciner contre le COVID-19, ce qui est une bonne chose car cela renforce le role du pharmacien, donne l’image que le pharmacien est un professionnel de santé, que le pharmacien vaccine. Lorsque je suis qualifié pour une vaccination, je fais le test, et lorsque nous donnons le résultat du test, nous indiquons si la personne est positive ou négative, nous donnons également un diagnostic.
(Au sens du code de la santé publique L. 1411-11, les pharmaciens sont des professionnels de santé dont les missions comprennent également la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients dans la mesure décrite dans d’autres textes. Ce sont les missions dites primaires (note de l’auteur).
Et cela change complètement le positionnement du pharmacien, et on s’eloigne de l’image du petit commerçant de quartier. Pour analyser la pharmacothérapie, le pharmacien ne peut pas être un commerçant. Pourquoi ne met-on pas les médicaments dans les magasins si c’est un commerce ? Nous faisons le contraire et prenons une nouvelle direction. Nous luttons contre la tendance à la banalisation des médicaments. La santé n’est pas un commerce mais quelque chose qui doit être confié à des professionnels qualifiés et responsables.
Karolina Wotlińska-Pełka: L’accent mis sur un rôle de service convient-il également aux patients?
Gilles Bonnefond: Regardez comment la vaccination a fonctionné. Nous avons commencé il y a quatre ou cinq ans avec les vaccinations contre la grippe. On a constaté que cela augmentait considérablement le taux de vaccination. Avec COVID-19, cela a pris moins de temps et après environ deux mois, nous avons commencé à vacciner dans les pharmacies. Cela a très bien fonctionné, les patients sont également très désireux de venir chez nous pour le dépistage. Plus de la moitié des tests de dépistage du COVID-19 sont aujourd’hui effectués en pharmacie en France. (Au 30.07.2021, près de 900000 tests ont été réalisés en France, dont la moitié en pharmacie). Nous avons donc dépassé les biologistes. 14000 pharmacies sur 21000 proposent le test de dépistage de l’antigène COVID-19 avec un résultat après un quart d’heure et cela fonctionne très bien. Les pouvoirs publics comptent sur les pharmacies, ils comptent sur nous et nous répondons à cette demande. Nous disposons d’un Pass sanitaire (comprenant un certificat de vaccination complet ou un test COVID-19 négatif – note de l’auteur) et il existe peut-être d’autres solutions qui nécessiteront nos compétences. Les pharmaciens font ce travail et changent complètement notre profession.
Karolina Wotlińska-Pełka: Que verriez-Vous à l’avenir ? Comment voulez-Vous développer Votre travail?
Gilles Bonnefond: Nous voulons certainement introduire tous les vaccins pour adultes et adolescents dans les pharmacies. Je considère déjà cela comme une certitude. Nous continuerons également à développer les services d’entretien et à soutenir le dépistage. Je pense que nous faisons quelque chose de très intéressant, comme dans d’autres pays, sur la base de tests montrant le taux de cholestérol, le pharmacien met en place une statine. Et c’est dans cette direction que nous devons aller. Lorsqu’une personne se présente à la pharmacie avec un rhume, un petit problème de peau, un mal de gorge ou des yeux rouges, elle n’a pas nécessairement besoin d’un diagnostic médical. En France, on dit : consultez d’abord le pharmacien.
Si quelqu’un tombe dans la rue, par exemple, et vient consulter pour savoir ce qu’il doit faire, nous sommes les premiers à le soigner. Grâce au choix du pharmacien, nous indiquons en outre au patient s’il doit passer une radiographie ou consulter un médecin, ou si soin et un pansement à l’officine suffira. Il ne s’agit pas d’une entreprise, mais d’un service pharmaceutique qui doit être soutenu, supervisé, promu, développé et récompensé. En fin de compte, grâce à cette rémunération et à la sécurité que procurent les services pharmaceutiques, il sera possible de déterminer jusqu’où s’étendront nos attributions et nos tâches pour la communauté.
Avec notre pénurie de professionnels de la santé, nous devons organiser le système de soins autour de ceux qui sont, continuent de travailler et sont toujours disponibles pour la population.
Karolina Wotlińska-Pełka: Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez pour les pharmaciens polonais ? Cette année, après 30 ans, nous avons obtenu une loi qui définit notre profession.
Gilles Bonnefond: Je vous souhaite bonne chance et courage. N’hésitez pas à entrer dans le système de soins de santé. Utilisez et valorisez vos compétences et soyez ouvert aux besoins sociaux.